HISTORIQUE·LITTERATURE CONTEMPORAINE

Château de femmes – Jessica Shattuck

chateau de femmes livre

Château de femmes – Jessica Shattuck – Editions JC Lattès – 31 octobre 2018 traduction Laurence Kiéfé – 480 pages – 22.50 €

Résumé :

La Seconde Guerre mondiale vient de s’achever et, dans un château de Bavière en ruines qui accueillait autrefois la haute société allemande, on suit l’histoire puissante de ces trois veuves de résistants allemands dont la vie et le destin s’entrecroisent.
Au milieu des cendres de la défaite de l’Allemagne nazie, dans l’immédiat après-guerre, Marianne von Lingenfels revient dans le château, autrefois grandiose, des ancêtres de son époux, une imposante forteresse de pierre désormais à l’abandon. Veuve d’un résistant pendu à la suite de l’assassinat raté de Hitler, le 20 juillet 1944, Marianne a bien l’intention de tenir la promesse faite aux courageux conspirateurs dont son mari faisait partie : retrouver et protéger leurs enfants et leurs femmes, devenues comme elle des veuves de résistants.
En rassemblant cette famille de bric et de broc, Marianne croit que les chagrins partagés vont les souder. Mais elle s’aperçoit rapidement que ce monde en noir et blanc, plein de principes est devenu infiniment plus complexe et alourdi de sombres secrets qui menacent de les déchirer. Ces trois femmes se retrouvent finalement confrontées aux choix qui ont défini leurs vies avant, pendant et après la guerre, avec de nouveaux défis à relever.

Mon avis :

Château de  femmes est une histoire passionnante, émouvante, une histoire de femmes courageuses, battantes, l’image d’une Allemagne investie, humaine, résistante, un roman extrêmement bien documenté servi par une écriture magnifique, fluide avec une certaine poésie, un régal à lire.

C’est un roman très fort avec des personnages qui le sont tout autant.

La construction de l’histoire en aller/retour présent passé, encore plus loin dans le passé est très addictive, les faits s’enchaînent et on a certaines explications au fur et à mesure et d’autres questions, d’autres mystères qui rendent ce récit hautement passionnant.On sent bien l’énorme travail de recherche de l’auteur pour nous fournir un roman très riche en détails sur les évènements qui se sont déroulés.

Les personnages de ce roman sont très attachants et fort bien travaillés en profondeur. La principale est  Marianne Von Lingenfels, une femme issue de la haute société allemande qui organisait de belles réceptions dans le château Von Ligenfelds, elle est le pilier de ce roman. Son mari, Albrecht, était un des conspirateurs ayant tenté d’assassiner Hitler. « C’est seulement quand nous prouverons que les lois internationales et les droits de l’humanité comptent davantage qu’un scélérat que nous pourrons vaincre le mal« . Mais « Jamais l’Allemagne toute entière ne se mobiliserait. Les Allemands étaient trop imprégnés de la rhétorique hitlérienne, trop lâches, trop impliqués dans les abominations de sa guerre pour le rejeter« . Marianne était une femme engagée, « Elle avait poussé Albrecht à soutenir le projet, elle l’avait encouragé à passer à l’acte presque depuis le début. Impossible de rester inactif. Dès qu’on savait – on savait vraiment – que les femmes et les enfants étaient fusillés dans les bois, que des salles de douche avaient été construites dans l’unique but d’exterminer des humains, comment pouvait-on ne pas agir? Mais maintenant, la raison évidente qu’elle avait toujours mise sous le boisseau ressortait : le prix à payer. En cas d’échec, elle perdrait tout ce à quoi elle tenait« . Elle, était « Commandante en chef des épouses et des enfants. A l’époque ces mots là lui avaient paru dévalorisants – une façon de l’exclure du vrai travail de conspiration, un rappel du fait qu’elle était, en définitive, une femme et, à ce titre, reléguée à la tâche de ramasser les morceaux. Mais, au cours des années qui venaient de s’écouler, elle en était venue à interpréter autrement ce titre : elle restait le dernier homme debout, celui qui détenait la clé du fort. » Et quelle femme forte. Elle va tout faire pour sauver les femmes et les enfants des résistants. C’est ainsi qu’elle rencontrera Benita et Ania et que toutes les 3 nous livrerons leur histoire, la manière dont elles ont vécu la guerre et la force qu’elles mettront en oeuvre pour s’en sortir.

C’est un très beau roman qui a su allier la réalité de ce qui s’est passé à travers des personnages forts attachants, humains et qui nous montreront leurs failles et leurs faiblesses. A travers leur histoire nous découvriront différents points de vue, différents aspects de cette horrible période. Aujourd’hui nous savons toutes les choses horribles qui se sont passées mais par ces personnages nous découvriront comment les choses étaient vues au moment des faits, sans le recul que nous pouvons avoir aujourd’hui et c’était très intéressant de voir l’évolution de certains personnages.

L’auteure a su nous livrer un récit magnifiquement bien écrit de 3 femmes au caractère différent qui ont vécu la guerre de manière bien différente et dont la rencontre à bouleversé chacune de leurs vies.

C’est une belle histoire qui nous montre que les allemands n’étaient pas tous des « méchants », que parmi les allemands certains ont su voir ce qui se déroulait vraiment et qui, au péril de leurs vies, ont tout fait pour combattre le mal. Un des résistants a écrit à son épouse : « Si moi en tant qu’être humain, je n’agis pas contre Hitler, alors je ne peux plus me regarder en face. Si nous Allemands, n’abattons pas notre propre démon, il ne sera jamais exorcisé. » 

Château de femmes est un magnifique roman que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire et qui intègre indéniablement mon top 5 de mes meilleures lectures sur la seconde guerre mondiale.

A lire impérativement !!!

Je remercie vivement Netgalley et les éditions JC Lattès pour leur confiance

Pour finir un petit mot sur l’auteur :

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Jessica Shattuck a des origines allemandes. Diplômée de Harvard, elle vit à Brookline, dans le Massachusetts. Durant plusieurs années, elle a fait des recherches pour ce roman qui évoque avec beaucoup d’intelligence et d’émotion la complexité de l’après-guerre en Allemagne. Traduit dans dix pays, ce roman est un véritable succès.

THRILLER

La fille du roi des marais – Karen Dionne

la fille du roi des marais

Thriller de 252 pages publié par les éditions JC Lattès le 7 mars 2018.

De quoi ça parle :

« Enfin, Helena a la vie qu’elle mérite ! Un mari aimant, deux ravissantes petites filles, un travail qui occupe ses journées. Mais quand un détenu s’évade d’une prison de sa région, elle mesure son erreur : comment a-t-elle pu croire qu’elle pourrait tirer un trait sur son douloureux passé ?
Car Helena a un secret : elle est l’enfant du viol. Sa mère, kidnappée adolescente, a été retenue prisonnière dans une cabane cachée au fond des marais du Michigan, sans électricité, sans chauffage, sans eau courante. Née deux ans plus tard, Helena aimait cette enfance de sauvageonne. Et même si son père était parfois brutal, elle l’aimait aussi… jusqu’à ce qu’elle découvre toute sa cruauté.
Vingt ans après, elle a enfoui ses souvenirs si profondément que même son mari ignore la vérité. Mais aujourd’hui son père a tué deux gardiens de prison et s’est volatilisé dans les marais, une zone qu’il connaît mieux que personne. Malgré la chasse à l’homme lancée par les autorités, Helena sait que la police n’a aucune chance de l’arrêter. Parce qu’elle a été son élève, la seule personne capable de retrouver cet expert en survie, que la presse a surnommé Le Roi des Marais, c’est sa fille. »

Mon avis :

Ce thriller est un huis clos passionnant et émouvant avec des descriptions des paysages et de l’environnement telles qu’on s’y croirait et qu’à chaque pause dans la lecture, le retour au monde réel est parfois difficile…

Le choix d’une héroïne féminine est original, perturbant et angoissant. On a beaucoup de mal à cerner le personnage d’Héléna. Elle est mère de famille, elle a une vie normale mais on sent encore le côté sauvage. Alors quand elle décide de partir « chasser » son père en fuite pour le remettre aux autorités, on s’interroge, va-t-elle pouvoir réussir, après tout c’est son père et toutes les petites filles aiment leur père.

Elle est le personnage principal, la narratrice, c’est à travers elle que l’on vit toute l’histoire, la présente quand elle parcourt le marais sur les traces de son père, l’ancienne quand elle nous raconte sa vie d’enfant dans ces mêmes marais aux côtés de son père dont elle est la petite ombre. On sent bien le côté ambivalent de ses sentiments. Ignorante de sa situation d’enfant du viol, elle vivait une vie normale à ses yeux d’enfant. Elevée par son père très autoritaire et parfois brutal, selon les rites indiedens, au milieu des bois dans une cabane sans eau ni électricité où la chasse était l’activité indispensable pour se nourrir, Héléna a développé une personnalité qui dérange le lecteur. Elle est le clone de son père et le fait que ce soit une fille est encore plus dérangeant pour le lecteur. On a du mal à s’attacher à elle, voire même on la trouve antipathique … Mais au fil de son récit d’enfant on voit son évolution, comment elle change peu à peu, comment elle prend, lentement conscience de la nature de son père. L’évolution est encore plus flagrante sur ses relations avec sa mère. On apprend au fil des pages à connaître vraiment Héléna et ce qu’elle a vécu dans les marais puis dans le monde moderne quand elle a quitté le marais, ses attentes, ses déceptions et on se surprend à s’attacher à elle. On a l’impression d’apprivoiser un animal sauvage.

L’autrice décrit tellement bien les paysages et l’ambiance des bois qu’on s’y croirait vraiment. On est immergé dans ce décor sombre, humide, et cette ambiance participe à l’angoisse de l’intrigue. Et cette intrigue est très bien faite. Les chapitres ne sont pas trop longs, ils nous font passer du passé au présent de manière subtile et la tension grimpe au fur et à mesure pour les 2 histoires : comment Héléna a quitté le marais quand elle était enfant? Va-t-elle retrouver son père aujourd’hui et comment tout ça va finir?  les derniers chapitres sont captivants. J’aime quand la tension monte progressivement durant toute l’histoire.

Bref, La fille du roi des marais est un excellent thriller, angoissant, captivant et aussi émouvant à découvrir aujourd’hui en librairie.

Merci à la plateforme NetGalley France et aux éditions JC Lattès pour leur confiance.

HISTORIQUE

Par amour – Valérie Tong Cuong

par amour

Roman historique de 404 pages publié par les éditions JC Lattès le 25 janvier 2017. Il est disponible en format poche depuis le 3 janvier 2018.

De quoi ça parle :

Par amour, n’importe quel être humain peut se surpasser. On tient debout, pour l’autre plus encore que pour soi-même.

Valérie Tong Cuong a publié dix romans, dont le très remarqué Atelier des miracles. Avec cette fresque envoûtante qui nous mène du Havre sous l’Occupation à l’Algérie, elle trace les destinées héroïques de gens ordinaires, dont les vies secrètes nous invitent dans la grande Histoire.

Mon avis :

C’est avec L’atelier des miracles (mon avis ici) resté fort longtemps dans ma PAL, que j’ai découvert la plume de Valérie Tong Cuong. Et j’ai beaucoup aimé. En visitant le blog de Carnet parisien  je suis tombée sur sa chronique de Par amour et s’agissant d’un roman sur un thème cher à mon coeur, il fallait impérativement que je le lise…alors quand je l’ai vu à la médiathèque je me suis empressée de le prendre. Et ce fût une nouvelle fois un énorme coup de coeur.

C’est un roman choral qui nous plonge au coeur de la seconde guerre mondiale au Havre. Au milieu du combat que se livrent les anglais et les allemands, on suit le combat d’une famille pour survivre. Avec une écriture douce, tout en subtilité, l’autrice nous montre que les civils français ont également beaucoup souffert et beaucoup perdu pendant cette horrible période.

On suit Emélie, Joffre son mari, Lucie et Jean ses enfants, Muguette sa soeur, Marline et Joseph, les enfants de Muguette pendant leurs quatre années de souffrance, de résistance et de courage. La faim, la peur, la séparation, rien de ne leur sera épargné. Leur histoire se déroule à travers les yeux des différents personnages, vivant chacun la même histoire mais avec leur propre ressenti. Des retours en arrière effectués avec beaucoup de talent par l’autrice permettent de revoir un moment sous un autre point de vue.

C’est un roman magnifique, porteur de beaucoup d’émotions qui nous chamboule et nous emporte aux côtés des personnages auxquels on s’attache très vite et surtout très fort. Ils ont tous un point commun : l’amour, l’amour des siens, l’amour des autres, l’amour de la vie.

Je dis toujours que pour qu’une lecture me plaise il suffit que je m’attache aux personnages et que je me fasse le film dans ma tête et c’est ce qui s’est passé ici mais avec une telle force qu’arriver à la fin et refermer ce roman fût un déchirement.

L’autrice nous a offert avec ce roman une magnifique histoire racontée de façon admirable.  Une lecture indispensable.