COUP DE COEUR·HISTORIQUE

Déjà, l’air fraîchit – Florian Ferrier

Déjà, l’air fraîchit de Florian Ferrier paru chez Plon le 15.10.2020 – 672 pages

Résumé :

1946 Hitler est mort, l’Allemagne plonge dans l’abîme.
Elektra, jeune allemande, bibliothécaire-expert pour la SS, attend son jugement par les alliés. En prison, elle revit son existence, hantée par l’absence de son père, et à travers elle, la montée du nazisme, l’occupation en France et la vie parisienne tant appréciée outre Rhin…
Dans une Europe dévastée par la guerre, Elektra tente de diriger sa vie et de s’émanciper.
Témoin privilégié de la voracité des services de spoliation dans l’Europe entière, alors que la défaite semble inéluctable, finira t’elle par prendre conscience de la brutalité de ce monde meilleur pour lequel elle pense œuvrer ?

Mon avis :

C’est complètement par hasard que je suis tombée sur ce roman sur une table de la librairie dans laquelle je m’étais rendue pour tout autre chose. Mon œil a été attiré par la couverture, puis après avoir lu la quatrième de couverture, j’étais complétement séduite, il me fallait ce livre. Et aussitôt acheté, aussitôt commencé, j’ai été complètement happée par cette histoire que j’ai dévorée en quatre jours.

Déjà, l’air fraîchit est un roman magistral tant dans sa construction que dans l’histoire, c’est bluffant.
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En 1946, Hitler est mort et Élisabeth Elektra Winter, 26 ans attend d’être jugée pour son appartenance au régime nazi. En quatre mois de détention, elle a eu le temps de se demander comment elle en est arrivée là, comment elle s’est convaincue d’appartenir à la race supérieure. Elle ne cherche pas à se disculper, elle ne s’abaissera pas à salir son histoire.
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Et c’est cette histoire que nous raconte l’auteur dans ce beau pavé de plus 650 pages qui se dévore d’une traite. Dès le premier chapitre j’ai été séduite par la très haute qualité de la plume de l’auteur. A travers la vie d’Elektra, l’auteur retrace toute la seconde guerre mondiale du point de vue des allemands, de la montée du nazisme à la débâcle finale, rien n’est épargné au lecteur.
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Elektra est l’héroïne de cette fresque, elle est attachante mais aussi troublante. On s’attache très vite à cette jeune fille qui a perdu son père très tôt, mystérieusement disparu quand elle avait 12 ans et dont l’absence plane comme une ombre sur sa vie. On vit avec elle son incorporation dans le service SS de confiscation des livres.

c’est une guerre feutrée que se livrent les services français et allemands autour du livre, dont l’enjeu est la préservation de l’histoire et de la culture

Et on suit toute sa vie pendant la guerre, son évolution tant professionnelle que personnelle.

Elektra prend conscience que la folie destructrice qui sévit ici la rend coupable de complicité, ainsi que l’ensemble du peuple allemand. Et lorsque viendra l’heure des comptes, personne ne sera épargné

La différence entre la Elektra, prisonnière à la fin de la guerre, et celle qu’on suit au cours du récit se révèle de plus en plus trouble au fil des pages, au fur et à mesure où l’on voit la jeune fille qu’elle était au début, évoluer au gré des évènements qui jalonnent son parcours. Elektra devient de plus en plus mystérieuse et envoutante.

C’est très documenté et fouillé historiquement, on vit vraiment le régime nazi de l’intérieur, les bagarres entre les différents services, les manigances et les personnalités des hauts responsables de ce régime. Il y a ceux qui savent ce qui se passe réellement et les autres, les simples maillons d’une chaine, qui font leur travail sans imaginer l’horreur de ce qui se passe réellement.
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La construction du récit est intelligente, l’alternance présent/passé est magistralement orchestrée, la tension et le suspense s’installent progressivement et il devient impossible de lâcher ce roman avant d’en connaître le dénouement.
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J’ai tout simplement adoré cette lecture qui m’a complètement emportée dans un tourbillon d’émotions, c’était passionnant et addictif et le côté thriller qui s’immisce dans l’histoire ont fait de cette lecture un pur kiffe livresque.
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Je ne peux que vous encourager à lire ce roman, vous ne serez absolument pas déçus.

HISTORIQUE·LITTERATURE CONTEMPORAINE

La dame du Ritz – Mélanie Benjamin

La dame du Ritz de Mélanie Benjamin paru chez Albin Michel le 28.10.2020 – 400 pages – traduction Christel Gaillard-Paris

Résumé :

Rien ne peut arriver au Ritz : dans ce temple du luxe qui autorise les caprices les plus farfelus, le prestige protège de tout. Même du pire, pense-t-on avant que l’armée allemande n’occupe Paris en juin 1940. Les hauts dignitaires nazis, dont Hermann Göring, investissent l’hôtel ; les portiers élégants sont remplacés par des soldats aux portes d’entrée. L’insouciance cède à la peur.
Pour Blanche Auzello, l’épouse du directeur du Ritz, cette réalité est insupportable. La Dame du Ritz, une américaine rebelle et intrépide, n’est pas femme à se résigner. Mais comment faire ? Dans le palace où le bruit des bottes étouffe désormais les rires, Blanche comprend que sa seule issue est le mensonge. D’autant qu’elle cache un secret qui pourrait mettre sa vie et celle de son époux en danger, mais aussi ternir la légende du Ritz…

Mon avis :

Les lectures sur la seconde guerre mondiale sont mes lectures préférées et après avoir beaucoup lu sur les victimes directes, de poignantes histoires sur les juifs et leurs vies dans les camps de concentration, j’aime aussi découvrir de nouvelles histoires sur des victimes indirectes, celles de personnes ayant aussi vécu pendant cette triste période mais dont le retentissement sur leur vie est différent.

La Dame du Ritz fait partie de ces lectures. Inspirée de faits réels, cette histoire plonge le lecteur dans les coulisses du Ritz sous l’occupation.
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Quand ils se rencontrent Blanche est une jeune américaine qui débarque à Paris pour devenir actrice…frivole, légère et délurée elle aime s’amuser. Claude, lui est directeur du Claridge, et il tombe immédiatement sous le charme de cette américaine.

quelque chose céda dans sa poitrine et, pour la première fois de sa vie, il se demanda, lui, Claude Auzello, s’il ne venait pas d’être victime de la flèche de Cupidon

C’est un homme assez « basique » et avec des idées sur les femmes assez vieillottes.

Claude : » Les femmes, ça cuisine. En tous cas, en France, c’est comme ça. »

Blanche : « C’est comme ça en Amérique aussi (…). Les jeunes filles sont éduquées pour savoir cuisiner et entretenir une maison (…) mes soeurs et moi avons aussi été élevées comme ça – toutefois je me suis toujours débrouillée pour échapper aux cours. Il était hors de question que j’apprenne des conneries pareilles »

Le fossé entre l’image qu’il se faisait de sa vie avec Blanche et celle qui se profile est énorme. Leur relation amoureuse est bizarre, elle dérange, on ne sent pas un amour débordant entre eux et du coup aucune empathie ne se ressent pour ce qui leur arrive.
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Quand le Ritz est investi par les Allemands, la vie de Blanche et Claude est bousculée et si Claude semble se faire à cette idée, il a bien du mal à canaliser son épouse.
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Le contexte historique est bien décrit on voit bien les choses comme les personnages les voient, les descriptions sont concises mais visuelles et on s’imagine très bien la scène dans notre esprit. Et même si nous, lecteurs, en savent plus avec notre recul sur cette période, on ressent bien l’angoisse et la peur qui s’installent. Vivre au milieu des ennemis n’est pas chose facile.
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Pour moi il y a deux parties dans ce roman et si la première m’a un peu gonflée car consacrée à la relation Blanche/Claude et comment ils sont devenus le couple qu’ils sont au moment où les allemands débarquent au Ritz, tellement antipathiques, la seconde partie est plus rythmée et beaucoup plus prenante, on entre dans l’action et c’est beaucoup mieux. Plus émouvant, on découvre plein de choses qui éclairent notre lanterne et nous font aimer les personnages un peu plus.

Ce roman est une belle illustration de l’évolution qui peut se produire sur les gens face à une situation aussi dramatique.

ne rien faire contre les nazis, (…) ne rien faire pour tous les gens qui ont disparu (…) mais simplement regarder, accepter, pleurer la nuit dans son oreiller, la rend malade

C’est un roman qui prend son temps et qui n’est pas trépidant. Mais cela reste tout de même une très bonne lecture que j’ai bien aimée lire, une nouvelle facette de la vie des civils sous l’occupation allemande que j’ai pris plaisir à découvrir.

HISTORIQUE

Le Réseau Corneille – Ken Follett

Le Réseau Corneille de Ken Follett paru chez Le livre de poche le 5.05.2004 – 599 pages – traduction Jean Rosenthal

Résumé :

France, 1944. Betty a vingt-neuf ans, elle est officier de l’armée anglaise, l’une des meilleures expertes en matière de sabotage. A l’approche du débarquement allié, elle a pour mission d’anéantir le système de communication allemand en France. Après une première tentative catastrophique et coûteuse en vies humaines, Betty va jouer le tout pour le tout en recrutant une brigade unique en son genre : le Réseau Corneille, une équipe de choc. Six femmes à la personnalité hors du commun : l’aristocrate, la taularde, l’ingénue, la travestie… chacune va apporter sa touche très personnelle au grand sabotage.

Mon avis :

Je n’avais jamais lu Ken Follett mais comme la seconde guerre mondiale est ma période préféré lecture historique, j’étais obligée de choisir Le Réseau Corneille pour ma première découverte de la plume de Ken Follett et c’est une très belle réussite.
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Indéniablement, Ken Follett est doué pour tenir en haleine son lecteur, sans aucun essoufflement du récit. Plus de 500 pages pendant lesquelles on suit alternativement Bettie Clairet, une jeune anglaise farouchement engagée dans la résistance qui doit mener à bien une mission hautement périlleuse mais indispensable pour anéantir le regime mis en place par Hitler et Dieter Franck, un redoutable major de l’armée allemande, doué pour faire parler n’importe quel prisonnier qui mettra tout en œuvre pour capturer et réduire à néant la résistance.
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Sur un rythme soutenu, digne des meilleurs films d’espionnage, c’est un véritable jeu du chat et de la souris qui se met en place. C’est super agréable à lire et les pages défilent sans qu’on s’en rendent compte.
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L’aspect historique et notamment le fonctionnement de la résistance et les moyens mis en œuvre par les allemands pour faire parler les prisonniers sont hyper intéressants et parfaitement intégrés dans cette histoire qui se révèle passionnante du début à la fin.
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C’est aussi un très bel hommage à toutes ces femmes courageuses qui ont contribué, volontairement et au péril de leur vie, à sauver notre pays.
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Bref, j’ai énormément aimé cette lecture et il y aura d’autres lectures de cet auteur dans mon avenir livresque.

HISTORIQUE·LITTERATURE CONTEMPORAINE

Château de femmes – Jessica Shattuck

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Château de femmes – Jessica Shattuck – Editions JC Lattès – 31 octobre 2018 traduction Laurence Kiéfé – 480 pages – 22.50 €

Résumé :

La Seconde Guerre mondiale vient de s’achever et, dans un château de Bavière en ruines qui accueillait autrefois la haute société allemande, on suit l’histoire puissante de ces trois veuves de résistants allemands dont la vie et le destin s’entrecroisent.
Au milieu des cendres de la défaite de l’Allemagne nazie, dans l’immédiat après-guerre, Marianne von Lingenfels revient dans le château, autrefois grandiose, des ancêtres de son époux, une imposante forteresse de pierre désormais à l’abandon. Veuve d’un résistant pendu à la suite de l’assassinat raté de Hitler, le 20 juillet 1944, Marianne a bien l’intention de tenir la promesse faite aux courageux conspirateurs dont son mari faisait partie : retrouver et protéger leurs enfants et leurs femmes, devenues comme elle des veuves de résistants.
En rassemblant cette famille de bric et de broc, Marianne croit que les chagrins partagés vont les souder. Mais elle s’aperçoit rapidement que ce monde en noir et blanc, plein de principes est devenu infiniment plus complexe et alourdi de sombres secrets qui menacent de les déchirer. Ces trois femmes se retrouvent finalement confrontées aux choix qui ont défini leurs vies avant, pendant et après la guerre, avec de nouveaux défis à relever.

Mon avis :

Château de  femmes est une histoire passionnante, émouvante, une histoire de femmes courageuses, battantes, l’image d’une Allemagne investie, humaine, résistante, un roman extrêmement bien documenté servi par une écriture magnifique, fluide avec une certaine poésie, un régal à lire.

C’est un roman très fort avec des personnages qui le sont tout autant.

La construction de l’histoire en aller/retour présent passé, encore plus loin dans le passé est très addictive, les faits s’enchaînent et on a certaines explications au fur et à mesure et d’autres questions, d’autres mystères qui rendent ce récit hautement passionnant.On sent bien l’énorme travail de recherche de l’auteur pour nous fournir un roman très riche en détails sur les évènements qui se sont déroulés.

Les personnages de ce roman sont très attachants et fort bien travaillés en profondeur. La principale est  Marianne Von Lingenfels, une femme issue de la haute société allemande qui organisait de belles réceptions dans le château Von Ligenfelds, elle est le pilier de ce roman. Son mari, Albrecht, était un des conspirateurs ayant tenté d’assassiner Hitler. « C’est seulement quand nous prouverons que les lois internationales et les droits de l’humanité comptent davantage qu’un scélérat que nous pourrons vaincre le mal« . Mais « Jamais l’Allemagne toute entière ne se mobiliserait. Les Allemands étaient trop imprégnés de la rhétorique hitlérienne, trop lâches, trop impliqués dans les abominations de sa guerre pour le rejeter« . Marianne était une femme engagée, « Elle avait poussé Albrecht à soutenir le projet, elle l’avait encouragé à passer à l’acte presque depuis le début. Impossible de rester inactif. Dès qu’on savait – on savait vraiment – que les femmes et les enfants étaient fusillés dans les bois, que des salles de douche avaient été construites dans l’unique but d’exterminer des humains, comment pouvait-on ne pas agir? Mais maintenant, la raison évidente qu’elle avait toujours mise sous le boisseau ressortait : le prix à payer. En cas d’échec, elle perdrait tout ce à quoi elle tenait« . Elle, était « Commandante en chef des épouses et des enfants. A l’époque ces mots là lui avaient paru dévalorisants – une façon de l’exclure du vrai travail de conspiration, un rappel du fait qu’elle était, en définitive, une femme et, à ce titre, reléguée à la tâche de ramasser les morceaux. Mais, au cours des années qui venaient de s’écouler, elle en était venue à interpréter autrement ce titre : elle restait le dernier homme debout, celui qui détenait la clé du fort. » Et quelle femme forte. Elle va tout faire pour sauver les femmes et les enfants des résistants. C’est ainsi qu’elle rencontrera Benita et Ania et que toutes les 3 nous livrerons leur histoire, la manière dont elles ont vécu la guerre et la force qu’elles mettront en oeuvre pour s’en sortir.

C’est un très beau roman qui a su allier la réalité de ce qui s’est passé à travers des personnages forts attachants, humains et qui nous montreront leurs failles et leurs faiblesses. A travers leur histoire nous découvriront différents points de vue, différents aspects de cette horrible période. Aujourd’hui nous savons toutes les choses horribles qui se sont passées mais par ces personnages nous découvriront comment les choses étaient vues au moment des faits, sans le recul que nous pouvons avoir aujourd’hui et c’était très intéressant de voir l’évolution de certains personnages.

L’auteure a su nous livrer un récit magnifiquement bien écrit de 3 femmes au caractère différent qui ont vécu la guerre de manière bien différente et dont la rencontre à bouleversé chacune de leurs vies.

C’est une belle histoire qui nous montre que les allemands n’étaient pas tous des « méchants », que parmi les allemands certains ont su voir ce qui se déroulait vraiment et qui, au péril de leurs vies, ont tout fait pour combattre le mal. Un des résistants a écrit à son épouse : « Si moi en tant qu’être humain, je n’agis pas contre Hitler, alors je ne peux plus me regarder en face. Si nous Allemands, n’abattons pas notre propre démon, il ne sera jamais exorcisé. » 

Château de femmes est un magnifique roman que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire et qui intègre indéniablement mon top 5 de mes meilleures lectures sur la seconde guerre mondiale.

A lire impérativement !!!

Je remercie vivement Netgalley et les éditions JC Lattès pour leur confiance

Pour finir un petit mot sur l’auteur :

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Jessica Shattuck a des origines allemandes. Diplômée de Harvard, elle vit à Brookline, dans le Massachusetts. Durant plusieurs années, elle a fait des recherches pour ce roman qui évoque avec beaucoup d’intelligence et d’émotion la complexité de l’après-guerre en Allemagne. Traduit dans dix pays, ce roman est un véritable succès.

HISTORIQUE

Une femme à Berlin – Anonyme

une femme à berlin

Une femme à Berlin – Anonyme – Editions Folio – Traduction Françoise Wuilmart – Présentation de Hans Magnus Enzensberger – 17 janvier 2008 – 400 pages – 8.90 €

Résumé :

La jeune Berlinoise qui a rédigé ce journal, du 20 avril 1945 – les Soviétiques sont aux portes – jusqu’au 22 juin, a voulu rester anonyme, lors de la première publication du livre en 1954, et après. À la lecture de son témoignage, on comprend pourquoi.
Sur un ton d’objectivité presque froide, ou alors sarcastique, toujours précis, parfois poignant, parfois comique, c’est la vie quotidienne dans un immeuble quasi en ruine, habité par des femmes de tout âge, des hommes qui se cachent : vie misérable, dans la peur, le froid, la saleté et la faim, scandée par les bombardements d’abord, sous une occupation brutale ensuite. S’ajoutent alors les viols, la honte, la banalisation de l’effroi.
C’est la véracité sans fard et sans phrases qui fait la valeur de ce récit terrible, c’est aussi la lucidité du regard porté sur un Berlin tétanisé par la défaite. Et la plume de l’auteur anonyme rend admirablement ce mélange de dignité, de cynisme et d’humour qui lui a permis, sans doute, de survivre.

Mon avis :

Il est bien difficile de donner un avis, subjectif, sur un témoignage réel d’une situation ayant été vécue en vrai par celui ou celle qui raconte. Soit on aime ce genre de récit et on prend plaisir à les lire, soit on n’aime pas et alors on évite de les lire. En ce qui me concerne, la seconde guerre mondiale et la vie des gens qui l’ont vécue me passionne alors chaque occasion est bonne d’en apprendre toujours plus. Surtout qu’après avoir beaucoup lu sur les camps et la vie des personnes persécutées pour être des juifs, j’ai voulu en apprendre plus sur la vie des autres personnes, les civils des pays touchés par cette guerre. Ce témoignage était donc une bonne occasion de découvrir la vie des personnes vivant en Allemagne pendant la guerre.

Une femme à Berlin est un témoignage autobiographique anonyme d’une jeune Allemande qui relate la chute de Berlin lorsque la ville tombe aux mains des Soviétiques en 1945. Ce texte prend la forme d’un journal et relate le quotidien de l’héroïne entre le 20 avril et le 22 juin 1945. Sur une courte période finalement nous allons vivre avec l’héroïne l’horreur de la guerre.

« oui, c’est bien la guerre qui déferle sur Berlin.Hier encore ce n’était qu’un grondement lointain, aujourd’hui c’est un roulement continu. On respire les détonations. L’oreille est assourdie, l’ouïe ne perçoit plus que le feu des gros calibres. Plus moyen de s’orienter. Nous vivons dans un cercle de canons d’armes braquées sur nous, et il se resserre d’heure en heure« . C’est sur ces mots que l’auteure ouvre son journal le vendredi 20 avril 1945. S’en suivent, racontées jour après jour, ses journées dans des bâtiments en ruine, sans eau ni électricité où le seul moyen de se protéger est de vivre dans des caves insalubres et sombres, en groupe d’humains qui ne sont parfois guère mieux que le monde extérieur. Des micro-sociétés se créent avec des chefs et il faut bien choisir sa cave. Les journées sont rythmées par les longues heures passées à faire la queue devant les différents magasins encore ouverts pour récupérer un peu de nourriture pour survivre jusqu’au lendemain.

Sortir dehors est déjà un risque en soi, mais parfois le danger vient aussi de l’intérieur car c’est le règne du chacun pour soi, protéger sa propre vie est plus important que de sauver les autres. Comme l’a écrit Stuart Nadler dans Un été à Bluepoint « l’instinct de survie est une pulsion qui échappe aux principes : quand il s’agit uniquement de tenir jusqu’au jour suivant, plus personne n’a de scrupules« . Et c’est bien de cela qu’il est question. Sortir dehors est un impératif pour aller récupérer de la nourriture et de l’eau mais c’est prendre le risque de tomber sur les envahisseurs, des hommes en mal de femmes et qui n’hésitent pas à les prendre de force. « Les filles sont une denrée qui se fait rare. On connait désormais les périodes et les heures auxquelles les hommes partent en chasse de femmes, on enferme les filles, on les planque dans les soupentes, les empaquette dans des endroits sûrs« . Notre héroïne n’y échappera pas, malheureusement, et la première fois cela lui arrivera devant la porte fermée d’une cave derrière laquelle se cachent ses compagnons d’infortune qui ne feront rien pour la sauver. Les femmes seront contraintes de « céder » aux avances des envahisseurs en échange de nourriture et de protection. Le seul moyen de survivre.

Et comment vivre avec ça et après tout ça, comment garder l’espoir d’une vie meilleure ensuite. Les mots de l’auteure sont émouvants et font bien ressentir son désarroi. « Je traînais les pieds comme sous le poids d’un accablant fardeau, j’avais le sentiment que jamais Berlin ne pourrait renaître de ses cendres, que nous resterions toute notre vie durant des rats hantant des ruines« . La route est longue pour retrouver une vie « normale ». La vie qui reprend doucement son court sans pour autant qu’ils ne sachent rien de ce qui se passe au niveau des dirigeants du pays autrement que par les on-dit dans les files d’attentes pour avoir de la nourriture. Et puis soudain la lumière au bout du tunnel, le retour de l’eau courante et les nouvelles relations humaines qui se nouent, des envies nouvelles qui laissent espérer un avenir pour notre femme allemande courageuse.

« Je n’ai pas encore atteint le point limite auquel ma vie serait menacée, j’ignore quelle distance m’en sépare encore. Je sais seulement que je veux survivre – à l’encontre de toute raison, absurdement, comme une bête« . L’auteur nous laisse avec ces mots et on ne peut qu’espérer qu’elle a pu reconstruire sa vie et être heureuse après toutes les horreurs qu’elle a vécues.

Cette lecture a été très prenante et intéressante sur la vie des femmes allemandes pendant cette guerre. Elles n’ont pas choisi de la faire, elles l’ont subie et ont eu aussi à en souffrir. C’est un beau témoignage de force et de courage qui restera longtemps dans mes souvenirs de lectrice.

Pour finir un petit mot sur l’auteure:

Ce journal fut la première fois publié en 1954, en langue anglaise, et diffusé aux États-Unis, en Italie, au Danemark, en Suède, en Norvège, aux Pays-Bas, en Espagne et au Japon. L’accueil en Allemagne, lors de la première parution du journal en 1959, a été très mauvais. Les souvenirs étaient encore trop vifs, et il était difficile de s’attaquer à semblable tabou.

Dans le bouillonnement d’idées de mai 1968, des photocopies du texte circulèrent dans les universités allemandes et procédèrent de la réflexion concernant la révolution sexuelle en Allemagne, apportant ce témoignage pour pointer du doigt la domination masculine dans la société civile.

Ce n’est qu’en 2003, deux ans après la mort de l’auteure, qu’une nouvelle édition a permis aux Allemands, dans un pays apaisé, de redécouvrir une page tragique de leur histoire tout en suscitant sa contribution au débat historiographique.

Anonyme, l’auteure ne l’est plus vraiment. C’est un rédacteur du quotidien Süddeutsche Zeitung, Jens Bisky, qui a levé le voile sur l’identité de la jeune Berlinoise : elle s’appelait Marta Hillers et était journaliste.

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Pour en savoir plus sur elle, avec toutes les réserves liées au contenu de Wikipedia, je vous mets le lien de la page la concernant ici

Et pour aller plus loin, il existe un essai écrit par Françoise Maffre Castellani publié chez Horizons, Marta Hillers-un scandale, où l’auteure, séduite par l’histoire de Marta Hillers, exceptionnelle de vérité et de courage, et par sa forte personnalité a décidé d’écrire un essai dans lequel elle décrit l’Allemagne en fin de guerre ; il y a là de nombreux personnages, terrés dans une cave sombre, attendant l’arrivée des «Ivans». Berlin, la ville de Marta Hillers, en ses ruines et en son effondrement, se détache, inoubliable. Le lecteur ressentira l’impression d’épouvante que le récit cerne au plus près. De grandes figures affleurent ; d’autres, odieuses, s’imposent néanmoins.

Je ne suis pas fan des essais mais je suis quand même tentée de le lire.

HISTORIQUE

Par amour – Valérie Tong Cuong

par amour

Roman historique de 404 pages publié par les éditions JC Lattès le 25 janvier 2017. Il est disponible en format poche depuis le 3 janvier 2018.

De quoi ça parle :

Par amour, n’importe quel être humain peut se surpasser. On tient debout, pour l’autre plus encore que pour soi-même.

Valérie Tong Cuong a publié dix romans, dont le très remarqué Atelier des miracles. Avec cette fresque envoûtante qui nous mène du Havre sous l’Occupation à l’Algérie, elle trace les destinées héroïques de gens ordinaires, dont les vies secrètes nous invitent dans la grande Histoire.

Mon avis :

C’est avec L’atelier des miracles (mon avis ici) resté fort longtemps dans ma PAL, que j’ai découvert la plume de Valérie Tong Cuong. Et j’ai beaucoup aimé. En visitant le blog de Carnet parisien  je suis tombée sur sa chronique de Par amour et s’agissant d’un roman sur un thème cher à mon coeur, il fallait impérativement que je le lise…alors quand je l’ai vu à la médiathèque je me suis empressée de le prendre. Et ce fût une nouvelle fois un énorme coup de coeur.

C’est un roman choral qui nous plonge au coeur de la seconde guerre mondiale au Havre. Au milieu du combat que se livrent les anglais et les allemands, on suit le combat d’une famille pour survivre. Avec une écriture douce, tout en subtilité, l’autrice nous montre que les civils français ont également beaucoup souffert et beaucoup perdu pendant cette horrible période.

On suit Emélie, Joffre son mari, Lucie et Jean ses enfants, Muguette sa soeur, Marline et Joseph, les enfants de Muguette pendant leurs quatre années de souffrance, de résistance et de courage. La faim, la peur, la séparation, rien de ne leur sera épargné. Leur histoire se déroule à travers les yeux des différents personnages, vivant chacun la même histoire mais avec leur propre ressenti. Des retours en arrière effectués avec beaucoup de talent par l’autrice permettent de revoir un moment sous un autre point de vue.

C’est un roman magnifique, porteur de beaucoup d’émotions qui nous chamboule et nous emporte aux côtés des personnages auxquels on s’attache très vite et surtout très fort. Ils ont tous un point commun : l’amour, l’amour des siens, l’amour des autres, l’amour de la vie.

Je dis toujours que pour qu’une lecture me plaise il suffit que je m’attache aux personnages et que je me fasse le film dans ma tête et c’est ce qui s’est passé ici mais avec une telle force qu’arriver à la fin et refermer ce roman fût un déchirement.

L’autrice nous a offert avec ce roman une magnifique histoire racontée de façon admirable.  Une lecture indispensable.

HISTORIQUE·LITTERATURE CONTEMPORAINE

Au nom de ma mère – Hanni Münzer

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Roman de 396 pages publié par les éditions L’Archipel le 8 novembre 2017, c’est mon second coup de cœur de ce début d’année 2018.

De quoi ça parle:

Étudiante à Seattle, Felicity reçoit un appel : Martha, sa mère, a disparu… Felicity la retrouve à Rome, où Martha s’est enfuie avec des archives familiales.
Martha a en effet découvert une longue lettre écrite par sa propre mère, Deborah, fille d’une diva qui connut son heure de gloire aux débuts du IIIe Reich. Une lettre qui va plonger Felicity dans une quête douloureuse.
Alternant passé et présent, ce roman mêle amour et trahison, colère et culpabilité, péché et expiation, autour d’un secret de famille courant sur quatre générations.

Mon avis :

Encore une lecture sur la seconde guerre mondiale. Je n’y peux rien, c’est ma thématique de lecture préférée. Chacune de mes lectures de cette nature a été porteuse d’émotions et s’est révélée être un coup de coeur ou presque et là encore j’ai été bouleversée.

Ce roman démarre très vite. En une cinquantaine de pages, l’auteur pose l’intrigue fort bien résumée par la quatrième de couverture. Des questions sont posées et le mystère est entier lorsque l’auteur nous fait faire un bond en arrière pour nous replacer dans les années 1920. On découvre alors Elisabeth et son mari Gustav et leur vie en Allemagne, on découvre progressivement comment le nazisme a pris le pouvoir dans ce pays.

« La puissance du bien se révèle sans fard afin de se prodiguer à tous, tandis que le mal s’approche de nous hypocritement et nous séduit par la ruse et la fourberie si bien que nous comprenons trop tard, voire jamais que nous sommes irrémédiablement pris à son piège »

C’est une histoire haletante qui monte en puissance au fil des pages, au gré des tentatives de cette famille pour quitter le pays avant qu’il ne soit trop tard. Entre rebondissements et tension narrative, on est happé dans cette période terrible où la peur de l’avenir vous pousse à faire des choses auxquelles vous n’auriez jamais pensé. Fort bien documentée, cette première partie de l’histoire est très intéressante sur la montée en puissance du pouvoir nazi.

On passe ensuite à l’histoire de Déborah, la fille d’Elisabeth et Gustav, qui est encore plus captivante. Elle est jeune mais doit déjà faire face à un destin tragique et tout faire pour s’en sortir avec son jeune frère. On suit sa vie aux côtés d’un officier SS qui les a aidés, elle et sa famille tout en cherchant des liens avec ce qu’on a appris dès le début du roman et du coup la lecture prend des tournures de « thriller », on a plein de questions et on tourne les pages encore et encore pour avoir nos réponses. L’histoire devient encore plus passionnante et captivante, de nombreux rebondissements, de nouvelles interactions avec des nouveaux personnages, une tension grandissante donnent un rythme effréné à cette lecture dont on ne peut plus se sortir avant d’en connaître le fin mot.

Et le retour au présent avec le dénouement final que nous offre l’autrice est tout simplement magnifique. On ne voit rien venir et le plaisir n’en est que plus grand. On a toutes les réponses à nos questions et on en ressort bouleversés.

C’est une belle histoire de femmes courageuses, fortes et déterminées que nous offre l’autrice avec en toile de fond une belle réflexion sur les liens familiaux et l’amour maternel.

La lecture de la postface nous apprend que si ce roman est une fiction il est adapté de faits réels.

Bref, cette lecture fût un énorme coup de cœur et je ne peux que vous encourager à découvrir ce roman à votre tour.

HISTORIQUE·LITTERATURE CONTEMPORAINE

Elle voulait juste marcher tout droit – Sarah Barukh

elle voulait juste marcher tout droit

Roman de 432 pages publié par les éditions Albin Michel le 1er février 2017, cette lecture fût un énormissime coup de coeur livresque.

De quoi ça parle :

1946. La guerre est finie depuis quelques mois lorsqu’Alice, huit ans, rencontre pour la première fois sa mère. Après des années à vivre cachée dans une ferme auprès de sa nourrice, la petite fille doit tout quitter pour suivre cette femme dont elle ne sait rien et qui lui fait peur, avec son drôle de tatouage sur le bras.
C’est le début d’un long voyage : de Paris à New York, Alice va découvrir le secret de son passé, et quitter à jamais l’enfance.

Comment trouver son chemin dans un monde dévasté par la guerre ? Avec une sensibilité infinie, Sarah Barukh exprime les sentiments et les émotions d’une enfant prise dans la tourmente de l’Histoire.

Un premier roman magistral.

Mon avis :

Depuis mes débuts de lectrice et ma lecture de Au nom de tous les miens de Martin Gray, je suis une inconditionnelle des romans qui traitent de cette horrible période de l’Histoire qu’est la seconde guerre mondiale, parce qu’ils sont toujours porteurs d’émotion et de courage. Et ce premier roman de l’auteur ne déroge pas à cette règle.

J’ai dévoré ce roman, happée dès les premières pages par le personnage d’Alice, une petite fille de 5 ans, qui doit affronter les moqueries de ses petits camarades de classe parce qu’elle n’a pas de maman, ni de papa et qu’elle vit chez une nourrice, Jeanne, depuis qu’elle est tout bébé. Elle est extrêmement attachante avec ses questions auxquelles la réponse automatique donnée est « parce que c’est la guerre ». Elle se pose des questions, elle s’imagine des choses qui façonnent son caractère et la rendent encore plus attachante. De son côté le lecteur, eu égard à la période, se fait également son propre scénario et attend avec avidité de savoir s’il a raison ou non, embarqué aux côtés de cette petite fille courageuse et déjà malmenée par la vie.

Le retour de la mère est une étape importante dans la vie d’Alice. Cette maman qu’elle a fantasmée, rêvée, espérée et qui revient la chercher. Oui mais voilà, on est loin de la parisienne belle et bien habillée à laquelle Alice s’attendait. C’est une femme frêle, froide, limite mutique qui vient arracher Alice à la vie qu’elle s’était faite et à laquelle elle avait fini par s’habituer aux côtés de Jeanne, cette femme gentille aimante qu’elle aimait comme une mère et qui a tout fait pour la protéger et la rendre heureuse. Le choc est rude. Mais Alice est une petite fille obéissante et respectueuse et elle se résout à quitter son petit village de campagne pour suivre sa maman à Paris avec l’espoir de pouvoir tout savoir et rattraper le temps perdu.

Et c’est le début d’une aventure palpitante pour notre jeune héroïne.

L’histoire est très bien construite, alternant moments calmes et rebondissements qui donnent du rythme à cette lecture sans enlever le côté émotions fortes. Le lecteur est tenu en haleine et tourne les pages encore et encore pour accompagner Alice dans tous les évènements qui vont se produire et avoir les réponses à ses questions.

Le personnage d’Alice est extrêmement bien travaillé, cohérent avec son âge, c’est une belle réussite d’avoir su garder la naïveté de l’enfance en miroir avec la « noirceur » des adultes. Elle est empathique, courageuse et en constante évolution au fil des pages. C’est un réel bonheur que de la suivre et de le voir se dépatouiller et affronter la vie.

Bref, Elle voulait juste marcher tout droit est une histoire émouvante, passionnante qui vous emporte des les premières pages, c’est aussi petite héroïne tellement attachante et forte qui vous touchera, c’ est encore des rebondissements, du suspens qui vous tiennent en haleine et vous gardent dans les pages qui se tournent encore et encore…

A LIRE ABSOLUMENT !!!!!